Menaces d'ingérence étrangère visant les processus démocratiques du Canada
Sommaire
- L’ingérence étrangère peut être décrite comme des activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque. Ces activités comprennent notamment les tentatives d’influencer, d’intimider, de manipuler, d’interférer, de corrompre et de discréditer des personnes, des organismes ou des gouvernements pour favoriser les intérêts d’un État étranger.
- Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) continue d’observer que des acteurs étatiques étrangers sont à l’origine d’activités d’ingérence visant les institutions et les processus démocratiques du Canada. Ces activités sont efficaces. Elles se déroulent continuellement et certaines s’intensifient. Des États étrangers les réalisent pour atteindre des objectifs stratégiques immédiats, à moyen et à long terme. Elles font peser des menaces sérieuses sur la sécurité nationale, la prospérité et les intérêts stratégiques du Canada, son tissu social, ainsi que sur les personnes qui se trouvent sur son territoire ou à l'étranger. Étant donné la situation géopolitique actuelle, il est presque certain que ces activités s’intensifieront.
- Les visées des activités d’ingérence étrangères peuvent avoir trait à différents domaines stratégiques, dont la politique, l’économie, la défense, la sécurité, la politique étrangère et des questions communautaires. Cela dit, le présent rapport portera précisément sur les menaces que ces activités font peser sur les processus démocratiques du Canada. Il y sera aussi question des efforts déployés par le SCRS, entre autre organisme gouvernemental canadien, pour les neutraliser.
- Même si le système électoral canadien est robuste, l’ingérence étrangère menace l’intégrité des institutions démocratiques canadiennes et la confiance dans ces dernières, le système politique du pays, les libertés et les droits fondamentaux de ses ressortissants et, enfin, sa souveraineté.
- Les menaces liées à l’ingérence étrangère ont des répercussions sur les gouvernements fédéral et provinciaux et sur les administrations municipales. Elles visent tous les aspects de la société canadienne, notamment la société civile, les communautés, les médias, les électeurs, les partis politiques, les candidats, les élus et leur personnel, et les élections elles-mêmes.
- Des États étrangers et leurs intermédiaires utilisent différents moyens communs pour atteindre leurs objectifs, notamment le renseignement humain, la mise à contribution des médias étatiques et communautaires, des outils informatiques de pointe et les médias sociaux. Ces moyens sont variés et leur mise en œuvre peut être difficile à détecter, mais la connaissance de certains indices aide à les reconnaître et à éviter d’être pris pour cible.
- Le SCRS a pour mandat de protéger le Canada et la population canadienne contre l’ingérence étrangère, entre autres menaces. Il est l’un des principaux membres du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections (MSRE), qui coordonne les efforts visant à protéger les élections. En outre, il collabore avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC), entre autres partenaires. Étant donné la nature des menaces d’ingérence étrangère, tous les Canadiens et les Canadiennes ont néanmoins en tout temps un rôle à jouer pour protéger la démocratie et la sécurité du pays. Le SCRS fait connaître ces enjeux dans l’espoir de sensibiliser la population canadienne aux menaces et contribue à renforcer la résilience du pays de manière à protéger toutes les valeurs et les idéaux d’un Canada libre et démocratique.
Introduction
Le Canada est une démocratie ouverte et libre. Sa population est réputée amicale et accueillante. Cela dit, ces valeurs ne sont pas universelles. Certains États étrangers et les acteurs qui œuvrent pour leur compte recourent à la tromperie, à la coercition et à des manœuvres clandestines pour favoriser leurs intérêts stratégiques au détriment de ceux du Canada. C’est ce que l’on appelle l’ingérence étrangère, et c’est une menace pour la sécurité nationale.
Selon les observations du SCRS, des États étrangers mènent continuellement des activités d’ingérence au Canada, avec une intensité croissant dans certains cas. Elles visent tous les aspects de la société canadienne, en particulier celui des institutions et des processus démocratiques du pays. Le présent rapport vise à informer la population de la nature de l’ingérence étrangère dans ce secteur et de ses répercussions sur la démocratie canadienne. Même si le système électoral canadien est robuste, l’ingérence étrangère menace gravement l’intégrité des institutions démocratiques du pays, son système politique et les libertés et les droits fondamentaux de ses ressortissants. Par exemple, des États étrangers et leurs intermédiaires peuvent s’ingérer dans les processus électoraux avant et pendant une période électorale. Leurs activités peuvent viser l’ensemble de la population canadienne ou, plus précisément, les médias, les électeurs, les partis politiques, les candidats, les élus et leur personnel, et les élections elles-mêmes.
Dans le cadre de son mandat, défini dans sa loi constitutive (la Loi sur le SCRS), le SCRS enquête sur les activités pour lesquelles il a des motifs raisonnables de croire qu’elles représentent une menace pour la sécurité nationale. Ainsi, le SCRS collecte, puis analyse des informations pour conseiller le gouvernement du Canada. Il peut aussi prendre des mesures raisonnables et proportionnelles pour atténuer les menaces. Dans le cadre de son mandat, le SCRS enquête notamment sur les activités d’espionnage, de sabotage, d’ingérence étrangère, de terrorisme et de subversion.
Des activités d’ingérence étrangères sont menées continuellement. Elles sont complexes et visent tous les secteurs de la société canadienne. Même si le SCRS a pour mandat de protéger le Canada, toute la population canadienne a un rôle à jouer pour protéger la démocratie et la sécurité du Canada. Cet effort collectif vise à renforcer la résilience du Canada de manière à empêcher des acteurs étrangers d’exploiter les communautés et les institutions canadiennes et à protéger les valeurs démocratiques du pays.
Qu’est-ce que l’ingérence étrangère?
L’ingérence étrangère est une expression souvent utilisée pour parler d’activités influencées par l’étranger. Selon la Loi sur le SCRS, il s’agit des « activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ». En d’autres mots, l’ingérence étrangère comprend les tentatives de secrètement influencer, intimider, manipuler, interférer, corrompre et discréditer des personnes, des organismes ou des gouvernements pour favoriser les intérêts d’un État étranger. Ces activités, qui peuvent être menées par des acteurs étatiques ou non étatiques, visent des organisations et des personnes canadiennes, au pays ou à l’étranger, et menacent directement la sécurité nationale du Canada.
Une activité d’ingérence étrangère est menée par un État étranger ou une tierce partie (une personne ou un organisme) qui agit pour son compte, pour exercer secrètement une influence, par exemple sur des décisions ou des événements, en vue de favoriser des intérêts stratégiques. Souvent, ces activités s’inscrivent dans des opérations clandestines destinées à influencer, par la tromperie, les politiques, les officiels ou les processus démocratiques du gouvernement du Canada à l’appui de visées politiques étrangères.
Les activités d’ingérence étrangère prennent différentes formes, par exemple, désinformer au moyen des médias sociaux, cultiver des relations pour diriger la prise des décisions ou chercher à orienter secrètement le résultat d’une élection. Ces menaces pèsent sur tous les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada et sur ses administrations municipales.
L’ingérence étrangère se distingue de la conduite normale des affaires diplomatiques et du lobbyisme acceptable des États étrangers. Par exemple, la défense d’une cause est une activité saine dans toute relation diplomatique. Par contre, favoriser ses intérêts au moyen d’activités trompeuses ou clandestines ne l’est pas. Ainsi les représentants et les intermédiaires d’un État étranger outrepassent les limites de la diplomatie chaque fois qu’ils mènent des activités clandestines ou trompeuses pour manipuler la société et la démocratie ouvertes du Canada, par exemple, en faisant planer des menaces.
La situation géopolitique, la technologie et la mondialisation ont accru l’étendue, la vitesse, la portée et les répercussions de l’ingérence étrangère au Canada. Les changements dans la façon de vivre au XXIe siècle ont multiplié les occasions, pour les États étrangers, d’atteindre des ressortissants canadiens avec des moyens informatiques, notamment dans des activités de surveillance et de harcèlement.
Pourquoi le Canada est-il une cible?
Le Canada est une démocratie libre et ouverte et profite d’une économie avancée. Il est depuis longtemps pris pour cible par des États étrangers qui cherchent à obtenir des informations et à influencer ou à exploiter secrètement des personnes et des communautés pour favoriser leurs intérêts nationaux.
L’abondance de ressources naturelles du Canada, ses technologies de pointe, ses talents et son expertise font du pays un chef de file dans de nombreux secteurs. Ses relations étroites avec les États-Unis, son statut de fondateur de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et de membre du Groupe des cinq ainsi que sa participation à des ententes bilatérales et multilatérales dans les domaines du commerce et de la défense en font aussi une cible attrayante pour les États qui recourent à l’ingérence. En outre, des puissances étrangères exploitent le multiculturalisme canadien et recourent aux menaces et à la manipulation pour tirer profit clandestinement des membres de communautés au pays.
Les élections, quelles qu’elles soient, offrent aussi aux États étrangers des occasions de favoriser leurs intérêts nationaux. Selon les observations du SCRS, des États parrainent des activités soutenues et sophistiquées depuis de nombreuses années pour tirer profit des élections. Aussi, leur fréquence et leur complexité s’accroissent avec le temps. À titre d’exemple, le SCRS observe que l’utilisation de médias sociaux pour désinformer et mener des campagnes d’influence destinées à semer la confusion chez l’électorat, le diviser et influer sur les débats publics sains.
Pourquoi des États tentent-ils d’influer sur les processus démocratiques d’autres pays?
Dirigée contre les processus et les institutions démocratiques du Canada, l’ingérence étrangère est un moyen efficace d’atteindre des objectifs stratégiques immédiats, à moyen et long terme. Par exemple, des États étrangers s’intéressent aux choix du gouvernement du Canada en matière de déploiements militaires, d’investissements, d’ententes commerciales, d’aide étrangère et d’immigration. Les décisions et les politiques des gouvernements provinciaux et des administrations municipales sont toutes aussi importantes lorsqu’il est question d’investissements dans l’économie, les infrastructures et la santé et l’éducation des citoyens et des résidants. Or, des États étrangers estiment que toutes ces décisions peuvent avoir des répercussions négatives sur leurs principaux intérêts. Comme le monde se fait de plus en plus petit et compétitif, certains font tout ce qui est en leur pouvoir pour favoriser leurs intérêts nationaux et bien se placer alors que la situation géopolitique change rapidement.
Buts immédiats
- Orienter les débats selon des intérêts stratégiques (par exemple, créer une perception d’appui ou de division ou obtenir des faveurs politiques)
- Favoriser secrètement l’élection d’un candidat ou d’un parti
- Limiter la participation à un vote
- Ébranler la confiance de la population dans les résultats d’un processus électoral
Buts à moyen terme
- Mettre de l’avant des priorités stratégiques alignées sur des intérêts nationaux
- Miner les intérêts stratégiques de leurs adversaires
- Discréditer les institutions démocratiques
- Saper la confiance dans la démocratie
Buts à long terme
- Obtenir des avantages stratégiques sur les plans économique, militaire et géopolitique ainsi qu’en matière de renseignement
- Préserver le régime autoritaire
- Perturber l’ordre mondial, fondé sur des règles
Quels participants aux processus démocratiques du Canada sont les cibles d’ingérence étrangère?
La population canadienne, dont l’électorat
La population canadienne, notamment l’électorat, est visée par des activités d’ingérence étrangères parce que des acteurs étatiques la considèrent généralement comme étant vulnérable. Les élections, en particulier, offrent aux acteurs étatiques des occasions de désinformer et de mener des campagnes d’influence. Toutefois, ce genre d’activités ne se limite pas aux élections et à la période qui les précède.
La prise pour cible et la manipulation de différentes communautés canadiennes figurent parmi les principaux moyens dont disposent les États pour exercer leur influence et saper la démocratie du Canada. En conséquence, les communautés visées peuvent éprouver de la peur et du ressentiment envers des représailles liées à un État ou sanctionnées par ce dernier et visant des personnes au Canada et des membres de leur famille à l’étranger. Lorsqu’elles exploitent et exercent une coercition sur des communautés canadiennes, les États étrangers tentent de limiter les messages qui appuient les pratiques, les politiques et les valeurs canadiennes et de faire taire ceux et celles dont les vues ne correspondent pas aux leurs et nuiraient à l’atteinte de leurs objectifs stratégiques. À l’opposé, ces États mettent de l’avant les messages qui leur sont favorables. En surveillant et en harcelant des communautés au Canada, des acteurs étatiques tentent d’influencer l’opinion publique et de semer la discorde. Dans une démocratie où l’opinion publique oriente l’élaboration des politiques et la prise des décisions par le gouvernement, une influence étrangère peut détourner ces processus et affaiblir les institutions démocratiques à long terme.
Des acteurs étatiques peuvent recourir aux menaces, aux pots-de-vin et au chantage pour modifier le comportement des électeurs. Leurs cibles peuvent être menacées et craindre des mesures de représailles (représailles qui pourraient les viser ou viser des personnes qui leur sont chères au Canada ou à l’étranger) si elles refusent d’appuyer publiquement un candidat ou de contribuer au financement du parti choisi par l’État étranger. Les acteurs étatiques peuvent utiliser des techniques de coercition pour atteindre leurs objectifs. Ils peuvent aussi recourir à la flatterie, promettre des récompenses ou faire appel à sa fierté pour un autre pays pour les amener à adopter le comportement voulu.
Par ailleurs, les tentatives d’ingérence observées en ligne se multiplient, où des acteurs étrangers ont appris à désinformer et à mener des campagnes d’influence. Des États étrangers tentent de manipuler les médias sociaux de manière à amplifier les différences d’opinions dans la société, à semer la discorde et à miner la confiance dans les institutions gouvernementales fondamentales et les processus électoraux. Ils peuvent coordonner leurs démarches pour mettre de l’avant un discours unique tout en promouvant du contenu incendiaire. Ces États peuvent aussi utiliser des moyens informatiques pour surveiller les dissidents, ceux qui remettent en question leurs positions ou qui n’appuient pas leurs intérêts au Canada. Ces comportements peuvent donner lieu à des menaces ou du chantage si les intéressés refusent de se plier aux demandes.
Lorsque des États qui cherchent à gagner des appuis ou à faire taire ceux qui critiquent leurs politiques menacent, harcèlent, trompent ou intimident des membres de communautés au Canada, ils mènent des activités qui compromettent la sécurité de ressortissants canadiens et du Canada. Ce faisant, ils méprisent les valeurs démocratiques du Canada et sa société ouverte.
Fonctionnaires et élus
Dans tous les gouvernements et toutes les administrations municipales, les élus, peu importe leur affiliation politique, sont pris pour cible, ce qui comprend les membres du Parlement, les membres des assemblées législatives des provinces, les membres des administrations municipales et les représentants des gouvernements autochtones. Les fonctionnaires, le personnel politique et toutes les personnes participant à un processus décisionnel de la sphère publique sont aussi visés par des États étrangers. Aussi, des acteurs étatiques peuvent recourir à la tromperie pour cultiver des relations avec des candidats aux élections ou leur personnel en vue d’obtenir secrètement des informations qui leur serviront par la suite, notamment à menacer ou à faire chanter leurs cibles. Un acteur étatique pourrait aussi décider, après un certain temps, de recruter une cible pour accroître ses gains dans l’éventualité où elle serait élue. Cultiver longtemps une relation avec un élu multiplie les possibilités d’exercer une pression sur lui pour l’amener à exercer son influence sur les débats et les processus décisionnels du gouvernement dont il est membre. Cet élu pourrait aussi retarder ou faire avorter des projets dont l’orientation est contraire aux intérêts de l’État étranger en question.
Donateurs, groupes d’intérêt, groupes de pression et organismes communautaires
Des acteurs étatiques pourraient aussi tenter de mobiliser secrètement des participants aux processus démocratiques. Les donateurs, les groupes d’intérêt, les groupes de pression et les organismes communautaires pourraient être exploités, de manière avouée ou détournée, dans le cadre d’activités d’ingérence visant à appuyer le candidat favori d’un État étranger ou à discréditer (ou autrement attaquer) les candidats dont les vues sont contraires à ses intérêts. Dans le cas des donateurs, certains pourraient être liés à des États étrangers ou avoir donné des fonds à des candidats désignés sous le poids de la contrainte. Quant aux candidats qui reçoivent des dons, ils pourraient être incités, voire contraints, à agir dans l’intérêt de l’État à l’origine de leur financement.
Médias
Des États étrangers menacent aussi les processus démocratiques du Canada lorsqu’ils tentent de manipuler les médias canadiens. Ainsi, des médias traditionnels (éditeurs, organes de presse, chaînes de radio et de télévision, etc.) et des médias non traditionnels (notamment ceux qui offrent des services en ligne, comme les médias sociaux) peuvent être pris pour cibles dans le cadre d’activités visant à favoriser l’atteinte des buts d’un État étranger. Les principaux organes de presse et les sources d’informations communautaires peuvent aussi donner l’occasion à des États étrangers d’influencer secrètement l’opinion publique, les débats et la participation aux processus démocratiques. Étant donné la riche trame multiculturelle du Canada, des États étrangers pourraient être tentés d’inviter ou de contraindre des personnes de différentes communautés à les aider à influencer le contenu diffusé par les médias. Ces personnes pourraient, sciemment ou non, agir pour le compte d’États étrangers.
Il est aussi possible d’exercer une influence sur les médias canadiens au moyen du financement et des placements publicitaires. Ainsi, des États étrangers peuvent tenter d’investir des fonds, d’acheter de la publicité ou de parrainer des entrevues et des enquêtes journalistiques qui promeuvent leurs intérêts. Ce type d’activités pourrait exposer le public canadien, par l’entremise de médias indépendants, à des contenus destinés à favoriser les intérêts d’États étrangers. En outre, des États étrangers pourraient acquérir des médias au Canada.
La désinformation, la promotion de contenu controversé ou incendiaire et le dénigrement des sources d’information fiables par les États étrangers peuvent avoir des répercussions tous aussi dommageables. Ces activités compromettent les débats publics légitimes et érodent la confiance du public dans les médias. Ce sont des attaques directes envers la démocratie.
Quelles sont les techniques d’ingérence étrangère?
Élicitation
- L’élicitation consiste à manipuler une personne, au cours d’une conversation informelle, de manière à ce qu’elle révèle des informations utiles.
- Par exemple, il serait possible de sciemment présenter de fausses informations à une personne dans l’espoir qu’elle les corrige, révélant ainsi ce qui était recherché.
- Il est aussi possible de révéler des informations sensibles à une personne dans l’espoir qu’elle fasse de même, une technique fondée sur le principe de la réciprocité.
Comment éviter l’élicitation : Se montrer discret, éviter de s’épancher et supposer que les conversations tenues en public sont écoutées.
Cultiver une relation
- Cultiver une relation, c’est chercher à nouer des liens solides, parfois même romantiques, à long terme, avec une personne. Il devient alors possible de manipuler cette personne, par exemple pour lui demander des « faveurs » qui seraient autrement inappropriées.
- Pour cultiver une relation avec une personne en vue de la recruter, il faut d’abord procéder aux présentations (les liens à un État étranger ne sont pas révélés). Ensuite, les intérêts partagés et les rencontres sociales en apparence anodine sont souvent exploités pour approfondir la relation.
Comment éviter ce type de relation : Rester attentif et effectuer un suivi des interactions sociales artificielles, des demandes répétées de rencontre en privé, des présentations et des engagements qui détonnent, ainsi que des cadeaux et des offres de voyage toutes dépenses payées.
Coercition
- Le chantage et les menaces figurent parmi les moyens les plus hostiles pour recruter une personne ou la contraindre à agir.
- Les informations compromettantes ou embarrassantes sur une personne peuvent servir à la faire chanter.
- Parfois, le chantage et les menaces sont utilisés après avoir longtemps cultivé une relation. Il est aussi possible de mettre une personne dans une situation compromettante pour la faire chanter plus tard.
- Des activités secrètes, par exemple l’intrusion dans un lieu, permettent de voler ou de copier des informations sensibles qui pourront servir à faire chanter une personne ou à la menacer.
Comment éviter la coercition : Éviter de donner, en personne ou en ligne, des informations compromettantes ou personnelles à des personnes qui ne sont pas dignes de confiance.
Corruption et financement illégal
- Il est possible d’être appelé à participer à des activités de financement illégales pour le compte d’une autre personne.
- Une invitation à participer à de telles activités pourrait prendre la forme anodine d’une simple demande, une « faveur », par exemple, une demande consistant à rembourser une personne ou à lui remettre de l’argent.
- Les partis politiques et les candidats aux élections peuvent aussi recevoir des fonds (par exemple des dons) d’un présumé Canadien alors qu’ils proviennent en fait d’un étranger.
Comment éviter la corruption et le financement illégal : Se méfier des demandes inappropriées qui ont trait à l’argent et s’informer de la source des dons et des cadeaux suspects.
Cyberattaques
- Les cyberattaques peuvent compromettre des appareils électroniques par différents moyens. Les courriels de piratage psychologiques, comme le harponnage, peuvent convaincre une personne de cliquer sur un lien et de communiquer des informations sur ses appareils. Ils peuvent aussi introduire des maliciels dans les systèmes.
- Les cyberattaques permettent de collecter des informations potentiellement utiles (par exemple des données sur les électeurs ou des informations compromettantes sur un candidat) qui pourront servir dans le cadre d’opérations d’ingérence étrangère.
Comment éviter les cyberattaques : Utiliser des mots de passe robustes, activer l’authentification à deux facteurs et ne pas cliquer sur les liens des courriels ni en ouvrir les pièces jointes, à moins d’être d’en connaître l’expéditeur et la raison de leur envoi.
Désinformation
- Il est possible de manipuler les médias sociaux pour diffuser de fausses informations, donner de l’importance à un message ou en provoquer les utilisateurs pour favoriser ses intérêts. Un nombre grandissant d’États étrangers ont élaboré et mis en œuvre des programmes pour exercer une influence en ligne dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Leurs campagnes d’influence visent à orienter les opinions des électeurs, les débats publics, les choix des décideurs et les relations gouvernementales ainsi qu’à changer la réputation de politiciens et de pays de manière à semer la confusion et à susciter la méfiance dans les institutions et les processus démocratiques du Canada.
Comment éviter la désinformation : Demeurer critique du contenu trouvé en ligne, ne pas partager ou rediffuser du contenu à la légère et noter les interactions inattendues en ligne.
Espionnage
- L’ingérence étrangère et l’espionnage sont des menaces bien distinctes, mais ces activités sont souvent menées de concert pour atteindre des buts. Par exemple, des informations volées ou autrement collectées dans le cadre d’activités d’espionnage peuvent s’avérer très utiles pour organiser et mener à terme une campagne d’influence ou de désinformation.
Comment éviter l’espionnage : Suivre les protocoles de sécurité, ne pas communiquer d’informations sans raison et rester discret quant à la façon de traiter les informations sensibles.
Comment le SCRS et le gouvernement du Canada protègent-ils la population canadienne contre l’ingérence étrangère?
Il incombe au gouvernement du Canada d’assurer la sécurité nationale et de protéger la population canadienne. Il s’agit là de responsabilités fondamentales. Pour s’en acquitter, il a mis en place des mesures visant à assurer en tout temps l’intégrité du système politique. Lors des élections fédérales canadiennes, le vote est effectué sur papier et des procédures ont été mises en place pour éviter la fraude, notamment des contrôles d’identité et d’adresse. Ces mesures et d’autres de nature procédurale, légale et informatiques administrées par Élections Canada offrent une très grande protection. Le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) prend aussi des mesures pour neutraliser les cyberattaques. Le Centre canadien pour la cybersécurité (CCC) fournit aussi des avis et des conseils aux organismes responsables des élections des provinces et des territoires.
Le SCRS participe à une démarche pangouvernementale visant à protéger la population canadienne et le Canada contre les menaces, notamment celle que représente l’ingérence étrangère. Le SCRS enquête depuis longtemps sur certains acteurs qui feraient peser une menace sur le Canada et les Canadiens en menant des activités notamment clandestines ou trompeuses. Le SCRS conseille le gouvernement du Canada sur ces menaces et peut, dans le cadre de son mandat, prendre des mesures pour les atténuer.
Les activités d’ingérence étrangère peuvent être réalisées de différentes façons, notamment avec des moyens informatiques. L’augmentation de la connectivité dans le monde offre plus d’occasions que jamais aux cyberacteurs de mener des activités malicieuses. Le SCRS enquête activement sur les cybermenaces et collabore avec d’importants partenaires. Même si le SCRS et ses partenaires clés, dont le CST, le CCC et la GRC, ont des mandats distincts, ils partagent un même but : protéger le Canada, la population canadienne et les intérêts canadiens en ligne.
À l’approche des élections fédérales de 2019, le MSRE a été mis sur pied pour protéger les élections. En tant que partenaires du MSRE, le SCRS collabore avec le CST, la GRC et Affaires mondiales Canada pour communiquer des informations liées à la sécurité des élections et éclairer la prise de décisions lorsque survient un incident causé par une ingérence étrangère. Le MSRE poursuit ses efforts aujourd’hui. Des alliés du Canada le considèrent maintenant comme un modèle de collaboration pour assurer la tenue d’élections libres et équitables.
Les processus et les institutions démocratiques du Canada sont robustes et le gouvernement fédéral en assure la protection continue. Cependant, protéger la démocratie, les institutions démocratiques et le système politique canadien nécessite que la population soit informée des questions liées à la sécurité nationale. Ainsi, tous les citoyens doivent connaître les menaces qui pèsent sur la démocratie canadienne et être en mesure de se protéger contre l’ingérence étrangère. Tout le monde a un rôle à jouer pour protéger la démocratie au Canada.
Comment signaler une ingérence étrangère
Le gouvernement du Canada a mis en place des mécanismes pour signaler l’ingérence étrangère.
Il est possible de signaler les tentatives d’espionnage et d’ingérence étrangère au SCRS en composant le 613-993-9620 ou sans frais 1-800-267-7685, ou en remplissant le formulaire électronique à l’adresse https://www.ca-ciconline.com/fr/service-renseignement-securite/organisation/signaler-des-informations-relatives-a-la-securite-nationale.html.
Par ailleurs, toute personne au Canada qui croit avoir été prise pour cible par un acteur étatique ou non étatique dans le cadre d’activités d’ingérence étrangère devrait communiquer avec le Réseau info-sécurité nationale de la GRC au numéro 1-800-420-5805 ou à l’adresse RCMP.NSIN-RISN.GRC@rcmp-grc.gc.ca.
ANNEXE : Définition des termes clés
Censure : Se dit de la suppression d’informations, de communications publiques ou du droit d’expression. La censure peut être nécessaire lorsque des informations sont préjudiciables, obscènes ou causent des inconvénients sur le plan politique, selon les perspectives.
Coercition : Recours aux menaces, à la force ou à la manipulation pour forcer une personne à agir de manière à favoriser l’atteinte d’objectifs.
Cultiver : Dans le cadre d’un plan de recrutement à long terme, les personnes qui jouissent d’une grande influence, de connaissances ou d’un accès à des informations sont activement recherchées. Aussi, cultiver une relation, c’est préparer une personne en vue de lui adresser une demande ou de lui demander une faveur.
Désinformation : Diffusion délibérée d’informations fausses ou manipulées dans l’intention de tromper.
Discréditer : Faire en sorte de compromettre la fiabilité d’une personne, de ses paroles ou de ses gestes de manière à favoriser l’atteinte de ses objectifs.
Ingérence : Activité d’un État étranger qui utilise la tromperie ou son pouvoir en secret pour empêcher ses adversaires d’atteindre leurs objectifs étatiques.
Influence secrète : Recours, par un État étranger, à la tromperie ou au pouvoir pour influencer, contrôler ou manipuler secrètement ses adversaires de manière à favoriser ses propres objectifs.
Intermédiaire : Personne, groupe ou organisation qui n’est pas directement lié à un État étranger, mais qui mène des activités pour son compte.
Manipulation : Forme de coercition selon laquelle des personnes sont menées ou des informations sont traitées de manière à orienter les comportements, les prises de décision et les résultats.
Menace : Forme de coercition où un individu manifeste son intention de porter préjudice à une autre personne, c’est-à-dire à entacher sa réputation, à endommager ses biens, à la blesser ou à blesser les membres de sa famille, si elle refuse d’agir de manière à favoriser l’atteinte d’objectifs.
Mésinformation : Diffusion d’informations fausses sans intention de tromper.
Propagande : Programme publicitaire fondé sur la communication d’informations choisies pour faire connaître une doctrine ou des croyances, souvent de manière malhonnête ou trompeuse.
Recrutement : Habituellement, après avoir cultivé une relation avec succès, l’auteur d’une menace demandera à l’intéressé de lui accorder une « faveur ». Certaines personnes sont récompensées pour leur collaboration, argents, biens, promotion, etc., alors que d’autres ne savent pas qu’elles ont été recrutées.
Secret : Se dit des activités dissimulées ou qui ne sont pas portées à la connaissance du public.
Subversion : Tenter d’affaiblir, de renverser ou de détruire le pouvoir et l’autorité d’un système ou d’une institution.
Tromperie : Faire en sorte qu’une personne croit une fausseté pour favoriser l’atteinte de ses objectifs.
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